4- Cole Caufield et l’esprit du Wisconsin : un endroit où...
Oct 31, 2019 18:05:06 GMT -4
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Cole Caufield et l’esprit du Wisconsin : un endroit où le hockey n’est pas roi a aidé à créer le meilleur espoir du CH
Par Arpon Basu, Athletique Montreal
MADISON, Wisconsin – Un grand montage de photos orne le mur à l’extérieur du vestiaire de l’équipe masculine de hockey de l’Université du Wisconsin. Il rappelle le passé du programme, en mettant en vedette deux équipes ayant remporté le championnat national.
Dans le coin droit, en haut de l’image, on peut lire le vers d’un poème. Un vers bien connu des amateurs de hockey vivant à 1600 km au nord-est de cette ville universitaire du Midwest américain. Ces partisans ont les yeux rivés sur un petit sorcier au talent de buteur exceptionnel qui passera devant ce montage sur une base quotidienne cette saison.
Ce même vers est très visible dans le vestiaire du Canadien de Montréal depuis plus de 65 ans. Et le sorcier franc-tireur du Wisconsin espère passer devant, à Montréal, d’ici la fin de la saison.
Pour Cole Caufield, le meilleur espoir du Tricolore, le vers est plus qu’un lien entre son présent et son futur dans le monde du hockey. Il résume de bien des façons sa vie dans le hockey, qui est le fruit de plusieurs flambeaux qui lui ont été tendus. Et lui, du haut de ses 5 pi 7 po, l’a chaque fois porté bien haut.
Caufield a grandi à Stevens Point, à environ 90 minutes de voiture au nord de Madison. Cet endroit a eu un impact majeur sur ce qu’il a déjà accompli en tant que joueur de hockey.
Stevens Point est d’ailleurs sa ville d’origine à cause du hockey. Son père Paul est le fils de feu Wayne Caufield, qui a joué au niveau professionnel pour l’équipe de sa ville natale, les Canadians de Sault-Sainte-Marie, avant d’être échangé aux Admirals de Milwaukee quand Paul avait 5 ans.
Paul a finalement joué au hockey à l’Université du Wisconsin-Stevens Point, une université évoluant en troisième division et dont Paul est toujours le meilleur marqueur. Paul Caufield est ensuite devenu entraîneur-adjoint pour son ancienne équipe. Il a eu l’occasion en 2006 de devenir adjoint à l’Université Robert Morris, près de Pittsburgh. À ce moment-là, lui et sa femme, Kelly, avaient deux garçons. Brock avait 7 ans et Cole 5 ans. Paul devait prendre une décision.
« Je me disais, je suis encore ami avec tous ces entraîneurs au niveau universitaire et je ne sais pas si j’aime ce style de vie, car tu vois peu tes enfants, a dit Paul. Je voulais passer du temps avec eux. »
Son autre choix, s’il refusait l’offre de Robert Morris, était de devenir responsable de l’aréna à Stevens Point. Le Ice Hawks Arena est le seul aréna en ville où il est possible de jouer au hockey. Soudainement, au lieu de s’éloigner et de travailler de longues heures en tant qu’entraîneur au hockey universitaire, Paul avait un emploi qui lui permettait d’offrir le plus beau des cadeaux à ses deux fils.
« En étant ici à l’aréna, ils (Brock et Cole) avaient du temps de glace pendant l’été. C’est rare d’être toujours dans un aréna. Et ils voulaient y être, a raconté Paul. Pendant l’été, ils venaient et vu qu’il y avait un puits de lumière, nous n’avions pas besoin d’allumer les lumières. La personne de nuit ne nettoyait pas la glace, alors ils pouvaient patiner toute la journée le lendemain sans qu’il n’y ait de dépenses pour l’aréna. »
Paul s’est fait demander ce qui serait arrivé, selon lui, s’il avait accepté l’emploi à Robert Morris plutôt que de s’occuper de l’aréna de Stevens Point. Il n’avait pas de réponse, mais Cole oui.
« Ce que j’aime le plus à propos de cet aréna, c’est tout le temps que j’y ai passé, a-t-il dit. Sans cet aréna, je ne serais pas où j’en suis aujourd’hui. »
Ce n’est toutefois qu’une partie de l’histoire. L’autre partie implique le passage du flambeau. Bref, ce que les garçons de Paul ont fait avec tout ce temps de glace.
Quand Brock et Cole sautaient ensemble sur la glace, ce n’était pas pour niaiser ou jouer à des jeux. C’était pour travailler. Mais même si Paul était un entraîneur, il n’avait rien à voir avec ce travail. Il ne faisait que débarrer l’aréna et y déposer ses fils. C’est Brock, ensuite, qui s’occupait de l’entraînement.
« On inventait des exercices, a dit Brock. Quand on a eu nos comptes Instagram, on a commencé à suivre des trucs qui parlaient d’exercices pour le hockey. On inventait ensuite nos propres trucs en se servant de notre créativité. »
L’utilisation du « on » par Brock est un peu trompeuse. La plupart du temps, c’est lui qui inventait les exercices. C’est lui qui poussait son petit frère à les exécuter. C’est lui qui passait le flambeau à Cole.
« D’abord, sans mon frère, je ne serais pas aussi près de la LNH que je le suis aujourd’hui, a reconnu Cole. Mon expérience a été différente de celle de plusieurs enfants parce que je pouvais m’inspirer de lui et il était là pour me faire faire des exercices tous les jours où l’on patinait ensemble. La plupart des enfants voulaient aller sur la glace, effectuer quelques lancers et s’en aller. Mais lui voulait s’améliorer, et il m’a montré comment devenir meilleur et comment me donner à fond. Sans lui, je ne serais probablement pas resté aussi longtemps, je n’aurais pas autant travaillé à développer mes habiletés. Je ne le remercierai jamais assez. »
Ce n’est pas facile pour Brock de reconnaître le rôle qu’il a joué dans la vie de Cole, car il ne le faisait pas nécessairement pour son petit frère. Il le faisait pour devenir meilleur lui-même, parce qu’il avait des rêves et parce qu’il aimait passer du temps avec Cole. Il ne le préparait pas à devenir un futur choix de première ronde dans la LNH et le buteur le plus prolifique de l’histoire du programme de développement national des États-Unis (USNTDP).
« C’est bizarre de penser à ça parce que je n’ai jamais pensé jouer un rôle dans sa carrière. On grandissait simplement ensemble et on faisait ce qu’on aimait, a dit Brock. Je ne verrai probablement jamais ça de cette façon. On passait beaucoup de temps ensemble. Je pense que nous avons un lien plus fort encore en dehors de la glace, car nous sommes de très bons amis. C’est étrange parce que je ne pense pas à lui comme un futur athlète professionnel. Pour moi, il est juste mon frère. »
Peu importe quelles étaient les intentions de Brock, les résultats sont incontestables. Qu’il le veuille ou non, pendant presque toute sa vie il a servi de moteur au développement de Cole en tant que joueur de hockey.
Cole a commencé à jouer au hockey mineur à l’âge de 2 ans parce que Brock était trop bon pour jouer avec les 6 ans et moins à Stevens Point. Quand Brock, qui n’avait que 4 ans à l’époque, a été promu au sein des 8 ans et moins, Cole a pris sa place, même s’il était encore aux couches. C’est pourquoi il y avait un joueur dont les pantalons lui descendaient jusqu’aux patins et qui était de la même grandeur que certains de ses coéquipiers… quand ceux-ci étaient à genoux.
« Cole était toujours en avance par rapport à son année de naissance, alors il voulait toujours être avec les amis de Brock, raconte leur père. C’était aussi le cas au baseball et au football. Brock était comme un homme de 30 ans dans le corps d’un jeune de 12 ans, alors il le rendait fou en lui disant comment les choses devaient être faites. Il était discipliné dans l’exécution de ses exercices. Il était comme ça. »
Le temps a passé et l’inévitable est arrivé; l’élève a dépassé le maître. Brock n’a pas obtenu sa place au sein de l’USNTDP et il a joué pour Green Bay au niveau junior dans la USHL. Cole, lui, a dépassé Patrick Kane, Auston Matthews, Phil Kessel et tous les autres pour devenir le meilleur buteur de l’histoire du programme.
Quand les Caufield sont allés à Vancouver en juin pour le repêchage de la LNH, personne n’était plus excité que Brock.
« Je lui donne beaucoup de crédit, a dit Kelly Caufield à propos de son fils aîné. Quand il a regardé ce qui arrivait à Cole pendant le repêchage, je n’ai jamais rien vu de tel. Il était tellement sincère. On le voyait sur son visage. Je sais que c’est dur pour lui, mais pendant ce moment-là, il était si fier. Cole est très reconnaissant envers Brock. Ils sont très proches. Ils sont très différents, mais aussi très semblables. Brock est très sérieux et impliqué, tellement que tu vas avoir l’air de t’en foutre si tu n’es pas sérieux toi aussi. Cole, quant à lui, va rire du début à la fin quand il fait quelque chose. Ils sont une sorte de yin et de yang qui se complètent bien. »
Après trois années passées loin l’un de l’autre, Brock et Cole jouent de nouveau ensemble, pour l’Université du Wisconsin. Cole fait toutefois partie d’une cohorte de recrues étoiles qui inclut son compagnon de trio Alex Turcotte, choisi cinquième au total par les Kings de Los Angeles au dernier repêchage, ainsi que Dylan Holloway, qui pourrait être repêché dans le top-10 lors de la prochaine séance.
Quand Wisconsin a disputé son quatrième match de la saison, le 19 octobre contre l’Université de Minnesota-Duluth, Cole était à sa position habituelle, à l’aile droite du deuxième trio qu’il forme avec Turcotte et Linus Weissbach.
Pendant ce temps, Brock était laissé de côté pour la première fois de sa carrière universitaire.
Cette réalité, Brock a appris à l’accepter, et même à l’apprécier, car il peut jouer dans la même équipe que son petit frère, même si ce n’est que pour une courte période.
« C’est spécial pour moi. Sachant que c’est peut-être la dernière année où je pourrai jouer avec lui, je ne tiens rien pour acquis, a-t-il dit. Chaque jour a une saveur particulière, car je ne veux pas que l’année se termine. Je ne veux pas qu’il parte. Je sais qu’il est un joueur d’exception et je veux le meilleur pour lui, mais j’aime être avec lui et l’avoir ici. »
Les arénas des petites villes nord-américaines ont souvent des objets souvenirs de la LNH affichés en évidence pour rappeler aux jeunes qui y jouent que quelqu’un comme eux a réussi auparavant. La plupart du temps, il s’agit d’un chandail signé par la personne qui est sortie de l’aréna de cette petite ville pour atteindre les plus hauts sommets.
L’aréna dont Paul Caufield est responsable à Stevens Point n’est pas différent des autres.
On y retrouve un chandail que Joe Pavelski a porté à ses débuts dans la LNH, le 22 novembre 2006, avant qu’il n’adopte son numéro 8.
« Regardez le logo de Reebok, il a été cousu à l’envers, a fait remarquer Paul Caufield. C’est donc un chandail original. »
Pavelski ne devait être que de passage avec les Sharks, étant parti de la filiale de la Ligue américaine, à Worcester au Massachusetts, pour se rendre à San Jose le jour avant le match.
Pavelski est originaire de Plover, au Wisconsin, à 10 minutes de voiture au sud du Ice Hawks Arena de Stevens Point. Quand Pavelski a affronté les Devils du New Jersey pour son premier match, sa famille était dans le salon de Paul et Kelly Caufield, car ils étaient abonnés à NHL Center Ice. La partie n’était pas télévisée ailleurs. S’envoler vers San Jose semblait un peu fou, car Pavelski s’attendait à retourner à Worcester quelques jours plus tard.
Pavelski a marqué son premier but dans la LNH ce soir-là, alors que sa famille était dans le salon des Caufield, 3500 km à l’est. Les Sharks ont gagné les cinq premiers matchs auxquels Pavelski a pris part et il a marqué dans quatre d’entre eux. Il n’est jamais retourné à Worcester.
Cole Caufield avait alors 5 ans et il jouait dans le hockey mineur depuis déjà trois ans. Tout à coup, il y avait dans son téléviseur un gars originaire du même coin de pays qui n’a qu’un aréna, un coin où le hockey est loin dans la hiérarchie sportive. Et ce gars-là avait réussi.
« En grandissant, tu le considères un peu comme un héros, a dit Caufield. Tu joues au hockey parce que c’est amusant, parce que tu aimes ça et que c’est un rêve pour toi. Avoir un joueur comme lui, originaire de la même ville que toi, dont tu peux t’inspirer, c’est excitant. En grandissant, c’était un rêve pour moi, mais je ne pensais pas vraiment que c’était réaliste. Ç’a changé il y a à peu près cinq ans. C’est excitant qu’il soit originaire d’ici et qu’il soit allé à Wisconsin lui aussi. Je suis ses traces. »
Pavelski et Caufield ont joué pour l’école secondaire de la région de Stevens Point. Ils ont joué pour le programme d’Équipe Wisconsin, qui est basé dans l’aréna dont Paul Caufield est responsable. Pavelski se souvient d’avoir vu Paul à l’œuvre alors qu’il établissait le record de marqueur pour Winconsin-Stevens Point, et il suit avec intérêt le parcours de Cole vers la LNH.
« Il est talentueux, a dit Pavelski à notre collègue d’Athlétique Sean Shapiro. Il n’a pas le gabarit, mais ça ne l’a pas ralenti. Grâce à son intelligence sur le jeu et son instinct de marqueur, il sait trouver l’espace sur la glace. Il est parmi les meilleurs en ce moment. »
Quand le championnat national de hockey Tiers-2 a eu lieu à San Jose, Paul et Équipe Wisconsin s’y sont rendus puisqu’ils étaient considérés comme les représentants de l’État par défaut. Ce voyage a donné lieu à cette photo des jeunes Cole et Brock avec Pavelski, ce qui était en fait l’objectif du périple.
« Nous sommes allés pour voir Pavelski, a dit Paul. Nous avons eu un plaisir fou à San Jose. »
Le lien entre Pavelski et Caufield, le vrai passage du flambeau de Stevens Point, peut être observé sur les murs de l’aréna, où l’on peut voir les bannières de championnat d’état remportées par le programme.
La bannière du championnat pee-wee AA de 1998 a été remportée par Pavelski. Le programme n’en a pas accroché d’autre avant que l’équipe novice 1A de Cole, en 2009, n’entame une série de cinq conquêtes du championnat d’état de suite par sa formation, qui a pris fin en 2013.
Jusqu’en 2013, l’exposition de Caufield au hockey se limitait surtout à Stevens Point. Il jouait pour son école secondaire et pour l’Équipe Wisconsin. C’est tout. Il ne jouait pas au hockey en été. Il jouait plutôt au baseball, comme Pavelski.
Selon Paul, c’est ce qui a permis à Pavelski de connaître une longue carrière dans la LNH et pourquoi son fils pourrait faire pareil. Il n’a pas été saturé par le sport à un jeune âge. Même si son frère et lui passaient beaucoup de temps sur la glace, ils ne voyageaient pas partout au pays pour jouer au hockey d’élite.
« Si tu grandis à Chicago ou Detroit, il y a du hockey élite toute l’année. Ils n’avaient pas accès à cela, a dit Paul Caufield. Je vois beaucoup de jeunes qui sont saturés. Ils commencent le hockey Tiers-1 tellement tôt. Ils n’arrêtent pas et ne pratiquent qu’un sport. Le fait qu’ils (Cole et Brock) aient joué au baseball et au football et que le hockey ne soit pas aussi important ici, ça les a aidés. »
Un autre bénéfice a découlé de cela. Cole a dû s’habituer à devoir être performant pour que son équipe ait une chance de gagner. Il devait être le fer de lance, car le talent autour de lui n’était pas au même niveau. Cole s’est habitué à cette pression et il n’a jamais perdu la capacité d’y faire face.
« Ça aide de vivre cela à un jeune âge, a dit Cole. Quand tu es dans une bonne équipe, tu n’auras peut-être pas autant la rondelle et on ne comptera pas autant sur toi. Tu vas peut-être gagner des matchs, mais ce ne sera pas à cause de toi. Être LE joueur de ton équipe, celui sur qui tout repose, et faire face à cette pression, fait en sorte que ça devient une seconde nature pour toi. Je m’y suis habitué et c’est quelque chose que je veux avoir pour le reste de ma carrière. »
De plus, le gabarit de Cole n’a jamais été un problème à Stevens Point. S’il avait joué dans une ville de hockey et s’il avait dû essayer de se tailler une place dans diverses équipes, sa taille aurait pu lui nuire. Ce ne fut pas le cas à Stevens Point, ce qui lui a permis d’apprendre à jouer avec son gabarit.
« Je pense que les petits joueurs ont un gros avantage quand ils sont jeunes, un gros avantage, a dit Paul Caufield. Un centre de gravité bas, peu de poids à transporter, ils peuvent aussi plier les genoux. Quand tu grandis vite, tu as tellement de masse corporelle que tu ne peux pas plier les genoux. C’est donc difficile de patiner. Ces jeunes sont mieux de voir ça dans une perspective à long terme même s’ils ont peu de succès immédiat.
« Le problème avec les petits joueurs, c’est que même s’ils s’en tirent facilement à un jeune âge, ils doivent avoir du courage. Ils doivent avoir le courage d’un Brendan Gallagher, qui est le champion dans cette catégorie. Il a dû survivre à tous ces moments, comme mon fils. Il doit survivre, et maintenant il a appris à le faire. »
La vie de Cole a changé en 2013 quand il a été approché par Équipe Illinois. Ce n’était pas la première équipe de Tiers-1 qui voulait Cole dans ses rangs, mais c’était la première à lui proposer de jouer avec elle les fins de semaine sans qu’il ait à s’entraîner avec elle pendant la semaine. La formation était basée à West Dundee, tout juste à l’ouest de Chicago et à trois heures de route de Stevens Point.
Soudainement, Cole s’est retrouvé dans un autre univers de hockey et il a réalisé à quel point il était bon.
« Ç’a été gros pour moi de pouvoir jouer dans un plus haut calibre plutôt que de jouer dans des petites villes du Wisconsin. Ça m’a permis de voir tout le talent qu’il y avait dans mon groupe d’âge, et même plus, a-t-il dit. C’est ce qui m’a le plus aidé. Faire face à une compétition plus relevée m’a fait réaliser à quel point je devais travailler. Je ne voulais pas seulement faire ma place, je voulais être le meilleur joueur de ma catégorie d’âge. C’est le moment où ç’a décollé pour moi. »
C’était les premiers pas de Cole Caufield dans un monde dans lequel il a plongé à temps plein il y a deux ans en se joignant au programme de développement américain. Il a rapidement pris son envol, ne ratant que d’un but le record pour le plus grand nombre de filets en une saison dès sa première campagne. Un record qu’il a réduit en bouillie l’année suivante.
Ces performances ont permis à Caufield d’être sélectionné 15e au total en 2019, 190 choix plus tôt que ne l’avait été Joe Pavelski lorsque les Sharks l’ont repêché en 2003. Maintenant âgé de 35 ans, Pavelski a hâte de voir un autre chandail s’ajouter au sien dans l’aréna de Stevens Point. Il ne sera plus le seul joueur de la région à s’être taillé une place dans la meilleure ligue au monde.
« Oui, je suis excité. Il est très bon, a dit Pavelski. Tu es excité pour son futur. Même s’il a encore du chemin à faire pour devenir le joueur qu’il veut être, il est bien parti. »
Après cette saison, Pavelski aura encore deux ans à écouler à son contrat avec les Stars. Au terme de cette entente, le flambeau de Stevens Point sera probablement entre les mains de Caufield. S’il n’en tenait qu’à lui, il serait alors en train de disputer la dernière saison de son premier contrat professionnel à Montréal.
Quand Shea Weber, le capitaine du Canadien, a nommé Caufield au repêchage de 2019 à Vancouver, quelqu’un regardait la scène avec intérêt à Buffalo, dans l’État de New York.
Brian Gionta garde un œil sur l’équipe dont il a été capitaine pendant quatre saisons. Lorsque Caufield, du haut de ses 5 pi 7 po, est monté sur scène, Gionta n’a pu s’empêcher de ressentir une certaine fierté.
« J’ai dû attendre au troisième tour (du repêchage). Maintenant, ces gars-là sortent en première ronde, ce qui est fabuleux, a dit Gionta en juin, une semaine après le repêchage. Mais malgré cela, il a chuté au classement car les gens ont des interrogations à son sujet. Ils en ont deux : d’abord il mesure 5’7 et, ensuite, il a joué avec Jack Hughes. Mais quand j’ai vu cela, j’étais heureux pour le jeune. »
Gionta mesure aussi 5’7. C’est une des raisons pour lesquelles il se reconnaît en Caufield. Il voyait aussi un peu de lui en Brendan Gallagher quand il est arrivé à Montréal. Il l’a pris sous son aile, donnant à Gallagher des trucs pour survivre dans la LNH à 5 pi 9 po. D’une certaine façon, il tendait le flambeau à Gallagher, qui fera de même avec Caufield quand il débarquera à Montréal.
« Je ne veux pas trop en faire, mais il y a certains domaines où je vais pouvoir l’aider, a dit Gallagher. Dans l’ensemble, tu veux aussi le laisser tranquille, car tu vois à quel point il est spécial. Mais il y a certainement des choses qui vont arriver. Ce seront des trucs mineurs, mais je sais à quel point ç’a été important pour moi. Ça me fera plaisir de rendre la pareille.
« Gio m’a aidé dans des trucs précis. Il m’a aidé à me libérer en avantage numérique, comment batailler en fond de territoire – en tant que petit joueur – et à libérer mon bâton. Ce sont des petites choses auxquelles je n’avais jamais eu besoin de penser au niveau junior. Ça accélère l’apprentissage. Ça n’éclaircit pas le portrait d’ensemble, mais ce sont des petites choses auxquelles tu fais face pendant un match. »
Caufield se considère d’ailleurs chanceux de faire partie d’une organisation où il pourra compter sur quelqu’un comme Gallagher pour le guider.
« C’est super, a dit Caufield. Certains gars pourraient se joindre à une équipe qui ne compte pas sur ce genre de joueur et ils devraient apprendre sur le tas, ce qui serait un défi, car le jeu est tellement rapide. Il est possible que tu n’aies même pas le temps de comprendre ce que tu dois faire. Je l’admire beaucoup. Il a déjà tellement d’expérience dans sa carrière et il a travaillé très fort. Même avant le repêchage, je le regardais déjà. C’était quelqu’un qui m’inspirait. Il a un impact majeur quand il est sur la glace et c’est la chose qui m’impressionne probablement le plus. Même s’il est plus petit, on sent sa présence. Tu sais qu’il est là. »
Gallagher ne le réalise peut-être pas, mais il a déjà une influence sur la façon dont Caufield joue et sur la façon dont il se prépare à faire le saut chez les professionnels. Caufield regarde beaucoup de matchs de la LNH et il concentre son attention sur des joueurs en particulier, ceux qui évoluent à l’aile droite ou le long de la bande à gauche en avantage numérique, comme lui. Caufield est souvent comparé à Alex DeBrincat, des Blackhawks de Chicago. Il passe d’ailleurs beaucoup de temps à l’observer. Il étudie également Brayden Point, du Lightning de Tampa Bay, de même que Gallagher.
« Observer le jeu de Gallagher le long de la bande est important pour moi, a-t-il précisé. C’est l’une des choses sur lesquelles je vais travailler le plus cette année : mon jeu le long des bandes. Je veux pouvoir manier le disque le long de la rampe et être en mesure d’effectuer des jeux, avec ou sans soutien. Être patient avec la rondelle même si les gars viennent vers moi ou si le défenseur fonce dans ma direction. Je veux m’inspirer de sa façon de faire. »
Caufield ne le cache pas. Il veut finir sa saison à Montréal une fois que son calendrier au Wisconsin sera terminé. Il s’est fixé cet objectif et, considérant son historique en tant que joueur, ce ne serait pas malin de parier contre lui.
« Tu dois avoir un objectif en tête. Si tu ne tentes pas de l’atteindre chaque jour, ça ne sert à rien de l’avoir, a dit Caufield. Je le dis pour me mettre de la pression, pour être ce joueur qui fait sa place dans l’équipe. »
Que cela se produise ce printemps, l’automne prochain ou même plus tard, Caufield prendra ce flambeau, qu’il soit passé de son grand-père, à son père et ensuite à lui; de son grand frère à lui; de Pavelski à lui; ou de Gionta, à Gallagher et enfin à lui. Son ascension dans la LNH sera le fruit de plusieurs influences dans sa vie en grandissant à Stevens Point et en étant repêché par le Canadien.
Si jamais il perd ses repères, s’il oublie son objectif ultime, il n’a qu’à ouvrir les yeux quand il entre le vestiaire des Badgers du Wisconsin pour se souvenir que c’est ultimement sa responsabilité de porter le flambeau bien haut.
Par Arpon Basu, Athletique Montreal
MADISON, Wisconsin – Un grand montage de photos orne le mur à l’extérieur du vestiaire de l’équipe masculine de hockey de l’Université du Wisconsin. Il rappelle le passé du programme, en mettant en vedette deux équipes ayant remporté le championnat national.
Dans le coin droit, en haut de l’image, on peut lire le vers d’un poème. Un vers bien connu des amateurs de hockey vivant à 1600 km au nord-est de cette ville universitaire du Midwest américain. Ces partisans ont les yeux rivés sur un petit sorcier au talent de buteur exceptionnel qui passera devant ce montage sur une base quotidienne cette saison.
Ce même vers est très visible dans le vestiaire du Canadien de Montréal depuis plus de 65 ans. Et le sorcier franc-tireur du Wisconsin espère passer devant, à Montréal, d’ici la fin de la saison.
Pour Cole Caufield, le meilleur espoir du Tricolore, le vers est plus qu’un lien entre son présent et son futur dans le monde du hockey. Il résume de bien des façons sa vie dans le hockey, qui est le fruit de plusieurs flambeaux qui lui ont été tendus. Et lui, du haut de ses 5 pi 7 po, l’a chaque fois porté bien haut.
Caufield a grandi à Stevens Point, à environ 90 minutes de voiture au nord de Madison. Cet endroit a eu un impact majeur sur ce qu’il a déjà accompli en tant que joueur de hockey.
Stevens Point est d’ailleurs sa ville d’origine à cause du hockey. Son père Paul est le fils de feu Wayne Caufield, qui a joué au niveau professionnel pour l’équipe de sa ville natale, les Canadians de Sault-Sainte-Marie, avant d’être échangé aux Admirals de Milwaukee quand Paul avait 5 ans.
Paul a finalement joué au hockey à l’Université du Wisconsin-Stevens Point, une université évoluant en troisième division et dont Paul est toujours le meilleur marqueur. Paul Caufield est ensuite devenu entraîneur-adjoint pour son ancienne équipe. Il a eu l’occasion en 2006 de devenir adjoint à l’Université Robert Morris, près de Pittsburgh. À ce moment-là, lui et sa femme, Kelly, avaient deux garçons. Brock avait 7 ans et Cole 5 ans. Paul devait prendre une décision.
« Je me disais, je suis encore ami avec tous ces entraîneurs au niveau universitaire et je ne sais pas si j’aime ce style de vie, car tu vois peu tes enfants, a dit Paul. Je voulais passer du temps avec eux. »
Son autre choix, s’il refusait l’offre de Robert Morris, était de devenir responsable de l’aréna à Stevens Point. Le Ice Hawks Arena est le seul aréna en ville où il est possible de jouer au hockey. Soudainement, au lieu de s’éloigner et de travailler de longues heures en tant qu’entraîneur au hockey universitaire, Paul avait un emploi qui lui permettait d’offrir le plus beau des cadeaux à ses deux fils.
« En étant ici à l’aréna, ils (Brock et Cole) avaient du temps de glace pendant l’été. C’est rare d’être toujours dans un aréna. Et ils voulaient y être, a raconté Paul. Pendant l’été, ils venaient et vu qu’il y avait un puits de lumière, nous n’avions pas besoin d’allumer les lumières. La personne de nuit ne nettoyait pas la glace, alors ils pouvaient patiner toute la journée le lendemain sans qu’il n’y ait de dépenses pour l’aréna. »
Paul s’est fait demander ce qui serait arrivé, selon lui, s’il avait accepté l’emploi à Robert Morris plutôt que de s’occuper de l’aréna de Stevens Point. Il n’avait pas de réponse, mais Cole oui.
« Ce que j’aime le plus à propos de cet aréna, c’est tout le temps que j’y ai passé, a-t-il dit. Sans cet aréna, je ne serais pas où j’en suis aujourd’hui. »
Ce n’est toutefois qu’une partie de l’histoire. L’autre partie implique le passage du flambeau. Bref, ce que les garçons de Paul ont fait avec tout ce temps de glace.
Quand Brock et Cole sautaient ensemble sur la glace, ce n’était pas pour niaiser ou jouer à des jeux. C’était pour travailler. Mais même si Paul était un entraîneur, il n’avait rien à voir avec ce travail. Il ne faisait que débarrer l’aréna et y déposer ses fils. C’est Brock, ensuite, qui s’occupait de l’entraînement.
« On inventait des exercices, a dit Brock. Quand on a eu nos comptes Instagram, on a commencé à suivre des trucs qui parlaient d’exercices pour le hockey. On inventait ensuite nos propres trucs en se servant de notre créativité. »
L’utilisation du « on » par Brock est un peu trompeuse. La plupart du temps, c’est lui qui inventait les exercices. C’est lui qui poussait son petit frère à les exécuter. C’est lui qui passait le flambeau à Cole.
« D’abord, sans mon frère, je ne serais pas aussi près de la LNH que je le suis aujourd’hui, a reconnu Cole. Mon expérience a été différente de celle de plusieurs enfants parce que je pouvais m’inspirer de lui et il était là pour me faire faire des exercices tous les jours où l’on patinait ensemble. La plupart des enfants voulaient aller sur la glace, effectuer quelques lancers et s’en aller. Mais lui voulait s’améliorer, et il m’a montré comment devenir meilleur et comment me donner à fond. Sans lui, je ne serais probablement pas resté aussi longtemps, je n’aurais pas autant travaillé à développer mes habiletés. Je ne le remercierai jamais assez. »
Ce n’est pas facile pour Brock de reconnaître le rôle qu’il a joué dans la vie de Cole, car il ne le faisait pas nécessairement pour son petit frère. Il le faisait pour devenir meilleur lui-même, parce qu’il avait des rêves et parce qu’il aimait passer du temps avec Cole. Il ne le préparait pas à devenir un futur choix de première ronde dans la LNH et le buteur le plus prolifique de l’histoire du programme de développement national des États-Unis (USNTDP).
« C’est bizarre de penser à ça parce que je n’ai jamais pensé jouer un rôle dans sa carrière. On grandissait simplement ensemble et on faisait ce qu’on aimait, a dit Brock. Je ne verrai probablement jamais ça de cette façon. On passait beaucoup de temps ensemble. Je pense que nous avons un lien plus fort encore en dehors de la glace, car nous sommes de très bons amis. C’est étrange parce que je ne pense pas à lui comme un futur athlète professionnel. Pour moi, il est juste mon frère. »
Peu importe quelles étaient les intentions de Brock, les résultats sont incontestables. Qu’il le veuille ou non, pendant presque toute sa vie il a servi de moteur au développement de Cole en tant que joueur de hockey.
Cole a commencé à jouer au hockey mineur à l’âge de 2 ans parce que Brock était trop bon pour jouer avec les 6 ans et moins à Stevens Point. Quand Brock, qui n’avait que 4 ans à l’époque, a été promu au sein des 8 ans et moins, Cole a pris sa place, même s’il était encore aux couches. C’est pourquoi il y avait un joueur dont les pantalons lui descendaient jusqu’aux patins et qui était de la même grandeur que certains de ses coéquipiers… quand ceux-ci étaient à genoux.
« Cole était toujours en avance par rapport à son année de naissance, alors il voulait toujours être avec les amis de Brock, raconte leur père. C’était aussi le cas au baseball et au football. Brock était comme un homme de 30 ans dans le corps d’un jeune de 12 ans, alors il le rendait fou en lui disant comment les choses devaient être faites. Il était discipliné dans l’exécution de ses exercices. Il était comme ça. »
Le temps a passé et l’inévitable est arrivé; l’élève a dépassé le maître. Brock n’a pas obtenu sa place au sein de l’USNTDP et il a joué pour Green Bay au niveau junior dans la USHL. Cole, lui, a dépassé Patrick Kane, Auston Matthews, Phil Kessel et tous les autres pour devenir le meilleur buteur de l’histoire du programme.
Quand les Caufield sont allés à Vancouver en juin pour le repêchage de la LNH, personne n’était plus excité que Brock.
« Je lui donne beaucoup de crédit, a dit Kelly Caufield à propos de son fils aîné. Quand il a regardé ce qui arrivait à Cole pendant le repêchage, je n’ai jamais rien vu de tel. Il était tellement sincère. On le voyait sur son visage. Je sais que c’est dur pour lui, mais pendant ce moment-là, il était si fier. Cole est très reconnaissant envers Brock. Ils sont très proches. Ils sont très différents, mais aussi très semblables. Brock est très sérieux et impliqué, tellement que tu vas avoir l’air de t’en foutre si tu n’es pas sérieux toi aussi. Cole, quant à lui, va rire du début à la fin quand il fait quelque chose. Ils sont une sorte de yin et de yang qui se complètent bien. »
Après trois années passées loin l’un de l’autre, Brock et Cole jouent de nouveau ensemble, pour l’Université du Wisconsin. Cole fait toutefois partie d’une cohorte de recrues étoiles qui inclut son compagnon de trio Alex Turcotte, choisi cinquième au total par les Kings de Los Angeles au dernier repêchage, ainsi que Dylan Holloway, qui pourrait être repêché dans le top-10 lors de la prochaine séance.
Quand Wisconsin a disputé son quatrième match de la saison, le 19 octobre contre l’Université de Minnesota-Duluth, Cole était à sa position habituelle, à l’aile droite du deuxième trio qu’il forme avec Turcotte et Linus Weissbach.
Pendant ce temps, Brock était laissé de côté pour la première fois de sa carrière universitaire.
Cette réalité, Brock a appris à l’accepter, et même à l’apprécier, car il peut jouer dans la même équipe que son petit frère, même si ce n’est que pour une courte période.
« C’est spécial pour moi. Sachant que c’est peut-être la dernière année où je pourrai jouer avec lui, je ne tiens rien pour acquis, a-t-il dit. Chaque jour a une saveur particulière, car je ne veux pas que l’année se termine. Je ne veux pas qu’il parte. Je sais qu’il est un joueur d’exception et je veux le meilleur pour lui, mais j’aime être avec lui et l’avoir ici. »
Les arénas des petites villes nord-américaines ont souvent des objets souvenirs de la LNH affichés en évidence pour rappeler aux jeunes qui y jouent que quelqu’un comme eux a réussi auparavant. La plupart du temps, il s’agit d’un chandail signé par la personne qui est sortie de l’aréna de cette petite ville pour atteindre les plus hauts sommets.
L’aréna dont Paul Caufield est responsable à Stevens Point n’est pas différent des autres.
On y retrouve un chandail que Joe Pavelski a porté à ses débuts dans la LNH, le 22 novembre 2006, avant qu’il n’adopte son numéro 8.
« Regardez le logo de Reebok, il a été cousu à l’envers, a fait remarquer Paul Caufield. C’est donc un chandail original. »
Pavelski ne devait être que de passage avec les Sharks, étant parti de la filiale de la Ligue américaine, à Worcester au Massachusetts, pour se rendre à San Jose le jour avant le match.
Pavelski est originaire de Plover, au Wisconsin, à 10 minutes de voiture au sud du Ice Hawks Arena de Stevens Point. Quand Pavelski a affronté les Devils du New Jersey pour son premier match, sa famille était dans le salon de Paul et Kelly Caufield, car ils étaient abonnés à NHL Center Ice. La partie n’était pas télévisée ailleurs. S’envoler vers San Jose semblait un peu fou, car Pavelski s’attendait à retourner à Worcester quelques jours plus tard.
Pavelski a marqué son premier but dans la LNH ce soir-là, alors que sa famille était dans le salon des Caufield, 3500 km à l’est. Les Sharks ont gagné les cinq premiers matchs auxquels Pavelski a pris part et il a marqué dans quatre d’entre eux. Il n’est jamais retourné à Worcester.
Cole Caufield avait alors 5 ans et il jouait dans le hockey mineur depuis déjà trois ans. Tout à coup, il y avait dans son téléviseur un gars originaire du même coin de pays qui n’a qu’un aréna, un coin où le hockey est loin dans la hiérarchie sportive. Et ce gars-là avait réussi.
« En grandissant, tu le considères un peu comme un héros, a dit Caufield. Tu joues au hockey parce que c’est amusant, parce que tu aimes ça et que c’est un rêve pour toi. Avoir un joueur comme lui, originaire de la même ville que toi, dont tu peux t’inspirer, c’est excitant. En grandissant, c’était un rêve pour moi, mais je ne pensais pas vraiment que c’était réaliste. Ç’a changé il y a à peu près cinq ans. C’est excitant qu’il soit originaire d’ici et qu’il soit allé à Wisconsin lui aussi. Je suis ses traces. »
Pavelski et Caufield ont joué pour l’école secondaire de la région de Stevens Point. Ils ont joué pour le programme d’Équipe Wisconsin, qui est basé dans l’aréna dont Paul Caufield est responsable. Pavelski se souvient d’avoir vu Paul à l’œuvre alors qu’il établissait le record de marqueur pour Winconsin-Stevens Point, et il suit avec intérêt le parcours de Cole vers la LNH.
« Il est talentueux, a dit Pavelski à notre collègue d’Athlétique Sean Shapiro. Il n’a pas le gabarit, mais ça ne l’a pas ralenti. Grâce à son intelligence sur le jeu et son instinct de marqueur, il sait trouver l’espace sur la glace. Il est parmi les meilleurs en ce moment. »
Quand le championnat national de hockey Tiers-2 a eu lieu à San Jose, Paul et Équipe Wisconsin s’y sont rendus puisqu’ils étaient considérés comme les représentants de l’État par défaut. Ce voyage a donné lieu à cette photo des jeunes Cole et Brock avec Pavelski, ce qui était en fait l’objectif du périple.
« Nous sommes allés pour voir Pavelski, a dit Paul. Nous avons eu un plaisir fou à San Jose. »
Le lien entre Pavelski et Caufield, le vrai passage du flambeau de Stevens Point, peut être observé sur les murs de l’aréna, où l’on peut voir les bannières de championnat d’état remportées par le programme.
La bannière du championnat pee-wee AA de 1998 a été remportée par Pavelski. Le programme n’en a pas accroché d’autre avant que l’équipe novice 1A de Cole, en 2009, n’entame une série de cinq conquêtes du championnat d’état de suite par sa formation, qui a pris fin en 2013.
Jusqu’en 2013, l’exposition de Caufield au hockey se limitait surtout à Stevens Point. Il jouait pour son école secondaire et pour l’Équipe Wisconsin. C’est tout. Il ne jouait pas au hockey en été. Il jouait plutôt au baseball, comme Pavelski.
Selon Paul, c’est ce qui a permis à Pavelski de connaître une longue carrière dans la LNH et pourquoi son fils pourrait faire pareil. Il n’a pas été saturé par le sport à un jeune âge. Même si son frère et lui passaient beaucoup de temps sur la glace, ils ne voyageaient pas partout au pays pour jouer au hockey d’élite.
« Si tu grandis à Chicago ou Detroit, il y a du hockey élite toute l’année. Ils n’avaient pas accès à cela, a dit Paul Caufield. Je vois beaucoup de jeunes qui sont saturés. Ils commencent le hockey Tiers-1 tellement tôt. Ils n’arrêtent pas et ne pratiquent qu’un sport. Le fait qu’ils (Cole et Brock) aient joué au baseball et au football et que le hockey ne soit pas aussi important ici, ça les a aidés. »
Un autre bénéfice a découlé de cela. Cole a dû s’habituer à devoir être performant pour que son équipe ait une chance de gagner. Il devait être le fer de lance, car le talent autour de lui n’était pas au même niveau. Cole s’est habitué à cette pression et il n’a jamais perdu la capacité d’y faire face.
« Ça aide de vivre cela à un jeune âge, a dit Cole. Quand tu es dans une bonne équipe, tu n’auras peut-être pas autant la rondelle et on ne comptera pas autant sur toi. Tu vas peut-être gagner des matchs, mais ce ne sera pas à cause de toi. Être LE joueur de ton équipe, celui sur qui tout repose, et faire face à cette pression, fait en sorte que ça devient une seconde nature pour toi. Je m’y suis habitué et c’est quelque chose que je veux avoir pour le reste de ma carrière. »
De plus, le gabarit de Cole n’a jamais été un problème à Stevens Point. S’il avait joué dans une ville de hockey et s’il avait dû essayer de se tailler une place dans diverses équipes, sa taille aurait pu lui nuire. Ce ne fut pas le cas à Stevens Point, ce qui lui a permis d’apprendre à jouer avec son gabarit.
« Je pense que les petits joueurs ont un gros avantage quand ils sont jeunes, un gros avantage, a dit Paul Caufield. Un centre de gravité bas, peu de poids à transporter, ils peuvent aussi plier les genoux. Quand tu grandis vite, tu as tellement de masse corporelle que tu ne peux pas plier les genoux. C’est donc difficile de patiner. Ces jeunes sont mieux de voir ça dans une perspective à long terme même s’ils ont peu de succès immédiat.
« Le problème avec les petits joueurs, c’est que même s’ils s’en tirent facilement à un jeune âge, ils doivent avoir du courage. Ils doivent avoir le courage d’un Brendan Gallagher, qui est le champion dans cette catégorie. Il a dû survivre à tous ces moments, comme mon fils. Il doit survivre, et maintenant il a appris à le faire. »
La vie de Cole a changé en 2013 quand il a été approché par Équipe Illinois. Ce n’était pas la première équipe de Tiers-1 qui voulait Cole dans ses rangs, mais c’était la première à lui proposer de jouer avec elle les fins de semaine sans qu’il ait à s’entraîner avec elle pendant la semaine. La formation était basée à West Dundee, tout juste à l’ouest de Chicago et à trois heures de route de Stevens Point.
Soudainement, Cole s’est retrouvé dans un autre univers de hockey et il a réalisé à quel point il était bon.
« Ç’a été gros pour moi de pouvoir jouer dans un plus haut calibre plutôt que de jouer dans des petites villes du Wisconsin. Ça m’a permis de voir tout le talent qu’il y avait dans mon groupe d’âge, et même plus, a-t-il dit. C’est ce qui m’a le plus aidé. Faire face à une compétition plus relevée m’a fait réaliser à quel point je devais travailler. Je ne voulais pas seulement faire ma place, je voulais être le meilleur joueur de ma catégorie d’âge. C’est le moment où ç’a décollé pour moi. »
C’était les premiers pas de Cole Caufield dans un monde dans lequel il a plongé à temps plein il y a deux ans en se joignant au programme de développement américain. Il a rapidement pris son envol, ne ratant que d’un but le record pour le plus grand nombre de filets en une saison dès sa première campagne. Un record qu’il a réduit en bouillie l’année suivante.
Ces performances ont permis à Caufield d’être sélectionné 15e au total en 2019, 190 choix plus tôt que ne l’avait été Joe Pavelski lorsque les Sharks l’ont repêché en 2003. Maintenant âgé de 35 ans, Pavelski a hâte de voir un autre chandail s’ajouter au sien dans l’aréna de Stevens Point. Il ne sera plus le seul joueur de la région à s’être taillé une place dans la meilleure ligue au monde.
« Oui, je suis excité. Il est très bon, a dit Pavelski. Tu es excité pour son futur. Même s’il a encore du chemin à faire pour devenir le joueur qu’il veut être, il est bien parti. »
Après cette saison, Pavelski aura encore deux ans à écouler à son contrat avec les Stars. Au terme de cette entente, le flambeau de Stevens Point sera probablement entre les mains de Caufield. S’il n’en tenait qu’à lui, il serait alors en train de disputer la dernière saison de son premier contrat professionnel à Montréal.
Quand Shea Weber, le capitaine du Canadien, a nommé Caufield au repêchage de 2019 à Vancouver, quelqu’un regardait la scène avec intérêt à Buffalo, dans l’État de New York.
Brian Gionta garde un œil sur l’équipe dont il a été capitaine pendant quatre saisons. Lorsque Caufield, du haut de ses 5 pi 7 po, est monté sur scène, Gionta n’a pu s’empêcher de ressentir une certaine fierté.
« J’ai dû attendre au troisième tour (du repêchage). Maintenant, ces gars-là sortent en première ronde, ce qui est fabuleux, a dit Gionta en juin, une semaine après le repêchage. Mais malgré cela, il a chuté au classement car les gens ont des interrogations à son sujet. Ils en ont deux : d’abord il mesure 5’7 et, ensuite, il a joué avec Jack Hughes. Mais quand j’ai vu cela, j’étais heureux pour le jeune. »
Gionta mesure aussi 5’7. C’est une des raisons pour lesquelles il se reconnaît en Caufield. Il voyait aussi un peu de lui en Brendan Gallagher quand il est arrivé à Montréal. Il l’a pris sous son aile, donnant à Gallagher des trucs pour survivre dans la LNH à 5 pi 9 po. D’une certaine façon, il tendait le flambeau à Gallagher, qui fera de même avec Caufield quand il débarquera à Montréal.
« Je ne veux pas trop en faire, mais il y a certains domaines où je vais pouvoir l’aider, a dit Gallagher. Dans l’ensemble, tu veux aussi le laisser tranquille, car tu vois à quel point il est spécial. Mais il y a certainement des choses qui vont arriver. Ce seront des trucs mineurs, mais je sais à quel point ç’a été important pour moi. Ça me fera plaisir de rendre la pareille.
« Gio m’a aidé dans des trucs précis. Il m’a aidé à me libérer en avantage numérique, comment batailler en fond de territoire – en tant que petit joueur – et à libérer mon bâton. Ce sont des petites choses auxquelles je n’avais jamais eu besoin de penser au niveau junior. Ça accélère l’apprentissage. Ça n’éclaircit pas le portrait d’ensemble, mais ce sont des petites choses auxquelles tu fais face pendant un match. »
Caufield se considère d’ailleurs chanceux de faire partie d’une organisation où il pourra compter sur quelqu’un comme Gallagher pour le guider.
« C’est super, a dit Caufield. Certains gars pourraient se joindre à une équipe qui ne compte pas sur ce genre de joueur et ils devraient apprendre sur le tas, ce qui serait un défi, car le jeu est tellement rapide. Il est possible que tu n’aies même pas le temps de comprendre ce que tu dois faire. Je l’admire beaucoup. Il a déjà tellement d’expérience dans sa carrière et il a travaillé très fort. Même avant le repêchage, je le regardais déjà. C’était quelqu’un qui m’inspirait. Il a un impact majeur quand il est sur la glace et c’est la chose qui m’impressionne probablement le plus. Même s’il est plus petit, on sent sa présence. Tu sais qu’il est là. »
Gallagher ne le réalise peut-être pas, mais il a déjà une influence sur la façon dont Caufield joue et sur la façon dont il se prépare à faire le saut chez les professionnels. Caufield regarde beaucoup de matchs de la LNH et il concentre son attention sur des joueurs en particulier, ceux qui évoluent à l’aile droite ou le long de la bande à gauche en avantage numérique, comme lui. Caufield est souvent comparé à Alex DeBrincat, des Blackhawks de Chicago. Il passe d’ailleurs beaucoup de temps à l’observer. Il étudie également Brayden Point, du Lightning de Tampa Bay, de même que Gallagher.
« Observer le jeu de Gallagher le long de la bande est important pour moi, a-t-il précisé. C’est l’une des choses sur lesquelles je vais travailler le plus cette année : mon jeu le long des bandes. Je veux pouvoir manier le disque le long de la rampe et être en mesure d’effectuer des jeux, avec ou sans soutien. Être patient avec la rondelle même si les gars viennent vers moi ou si le défenseur fonce dans ma direction. Je veux m’inspirer de sa façon de faire. »
Caufield ne le cache pas. Il veut finir sa saison à Montréal une fois que son calendrier au Wisconsin sera terminé. Il s’est fixé cet objectif et, considérant son historique en tant que joueur, ce ne serait pas malin de parier contre lui.
« Tu dois avoir un objectif en tête. Si tu ne tentes pas de l’atteindre chaque jour, ça ne sert à rien de l’avoir, a dit Caufield. Je le dis pour me mettre de la pression, pour être ce joueur qui fait sa place dans l’équipe. »
Que cela se produise ce printemps, l’automne prochain ou même plus tard, Caufield prendra ce flambeau, qu’il soit passé de son grand-père, à son père et ensuite à lui; de son grand frère à lui; de Pavelski à lui; ou de Gionta, à Gallagher et enfin à lui. Son ascension dans la LNH sera le fruit de plusieurs influences dans sa vie en grandissant à Stevens Point et en étant repêché par le Canadien.
Si jamais il perd ses repères, s’il oublie son objectif ultime, il n’a qu’à ouvrir les yeux quand il entre le vestiaire des Badgers du Wisconsin pour se souvenir que c’est ultimement sa responsabilité de porter le flambeau bien haut.