2- Mieux comprendre comment le Canadien utilise l’analyse...
Sept 1, 2019 9:19:35 GMT -4
Dallas and San Jose like this
Post by Président LPHS on Sept 1, 2019 9:19:35 GMT -4
Mieux comprendre comment le Canadien utilise l’analyse statistique et se prépare à la révolution des données (The Athletic, par Arpon Basu)
C’était une question simple et directe.
Pas besoin de tourner autour du pot. Pas besoin d’utiliser le double langage pour l’éviter. Mais comme nous le verrons, la réponse n’est pas ni simple ni directe.
Le Canadien aime partager de l’information sur les rouages internes de sa gestion ou de son groupe d’entraîneurs autant qu’il aime se faire arracher une dent, et c’est ce qu’on a l’impression de faire lorsqu’on essaie de récolter un peu de cette information.
Mais interroger le Canadien sur l’analyse statistique, c’est comme lui enlever les quatre dents de sagesse en même temps.
C’est ce que j’ai tenté de faire lors de la conférence de presse de fin de saison de Marc Bergevin car l’utilisation que fait le Canadien de cet outil ouvertement employé par la grande majorité des équipes de la LNH n’est, disons, pas des plus claires.
Si vous regardez le répertoire public des employés de l’état-major du Tricolore, les mots ‘analyse’ ou ‘données’ ou ‘analyste’ ou ‘recherche’ ou encore ‘statistiques’ ne sont pas mentionnés une seule fois. L’organisation fait partie d’une liste de huit équipes de la LNH dont on puisse dire la même chose, les autres étant les Blue Jackets de Columbus, les Stars de Dallas, les Blues de St-Louis, les Islanders de New York, les Ducks d’Anaheim, les Oilers d’Edmonton et les Jets de Winnipeg. Aucune mention de ces mots dans leur répertoire du personnel; ce sont les huit seules équipes qui n’affichent rien à ce sujet.
Alors, Marc Bergevin, comment est-ce que le Canadien utilise l’analyse statistique? Encore une fois, c’est une question assez simple.
« C’est un outil que nous utilisons, a-t-il répondu en avril dernier. Nous l’utilisons lorsque nous parlons d’une acquisition, que ce soit par le biais d’une transaction ou des joueurs autonomes, donc nous utilisons des données analytiques à ce moment-là. En ce qui concerne le coaching, c’est la même chose; en fait le type de données est différent, mais ce sont des outils qu’ils peuvent utiliser pour les confrontations, des choses comme ça. »
Ok, mais est-ce que quelqu’un de l’équipe fait ce travail pour vous ?
« À l’interne ? a-t-il demandé. Nous avons quelqu’un que nous payons qui n’est pas ici en ce moment. »
Et c’était la fin de la partie simple de l’échange. Est-ce « à l’interne » si la personne que le Canadien paie « n’est pas ici en ce moment » ? Et puis d’abord, qu’est-ce que ça veut dire ?
Pour obtenir une réponse, nous avons dû creuser un peu.
Tout d’abord, un peu de contexte.
Si le Tricolore est l’une des huit équipes qui n’a personne dans son groupe qui travaille officiellement dans le domaine de l’analyse ou l’un de ses dérivés, cela signifie que 23 équipes en ont. Les Maple Leafs de Toronto ont un service de recherche et développement complet contenant au moins cinq personnes. La plupart des équipes ont une ou deux personnes listées, mais celles qui n’ont personne font partie de la minorité.
Cela ne veut pas dire que ces huit équipes boudent l’analyse statistique; il est en fait très peu probable qu’elles le fassent. Elles n’ont tout simplement pas d’employé à temps plein, ni même de consultant publiquement désigné comme responsable de ce projet. Par exemple, dans le cas de deux d’entre elles – les Blue Jackets et les Stars – c’est assez connu qu’il y a quelqu’un au sein du personnel qui gère ces responsabilités sans que cela soit spécifiquement mentionné sur le site web. Chez les Stars, c’est le directeur général adjoint Mark Janko qui s’en occupe alors que chez les Blue Jackets, il s’agit du directeur des opérations hockey Josh Flynn.
Par conséquent, il est très possible qu’il y ait plus à en dire au sujet de cette liste de huit équipes qui n’annoncent aucun expert en analyse. En tout cas, c’est certainement le cas en ce qui a trait au Canadien.
De multiples sources au sein de l’organisation ont fourni des détails sur la façon dont l’analyse statistique est traitée et l’importance qui lui est accordée. On pourrait probablement décrire cela comme une approche prudente, mais qui n’est pas non plus inexistante. C’est là, l’état-major s’en sert, et cela joue un rôle dans un certain nombre de domaines, y compris la science du sport, l’acquisition de joueurs par l’entremise des échanges ou du marché des joueurs autonomes, la négociation de contrats, le recrutement professionnel et amateur ainsi que les rapports de dépistage des équipes adverses, comme l’a décrit Bergevin dans sa réponse initiale. Donc, il a donné une réponse assez simple, aussi simple que ce qu’il allait se permettre.
Mais de dire qu’il n’y a qu’une seule personne à l’interne qui travaille là-dessus n’est pas tout à fait exact, bien que cela dépende probablement de votre point de vue. Il y a beaucoup de gens qui travaillent là-dessus, mais ces gens ne travaillent pas exclusivement sur l’analyse du hockey.
Le travail analytique du Canadien s’articule autour de deux axes : la performance et la tactique/stratégie. Ou, plus simplement, elle peut être divisée en deux catégories : la science du sport et l’analyse statistique du hockey.
L’aspect performance est dirigé par Pierre Allard, l’ancien entraîneur de conditionnement physique qui a été promu au poste de directeur de la science du sport et de la performance juste avant la saison 2017-18.
Lorsqu’il a été promu, Allard a parlé à maintes reprises de la quantité de points de données avec lesquels son équipe et lui travaillent relativement à la performance des joueurs et de ce qu’il appelait à l’époque la « charge d’entraînement », un terme précurseur à la « gestion de la charge » que les Raptors de Toronto ont ensuite popularisé en décrivant la gestion du repos de Kawhi Leonard en saison régulière afin de le préparer pour les séries de la NBA. (Ça a clairement fonctionné.)
Allard, dans le contexte de la science sportive et de la performance, dirige ce qu’on devrait probablement appeler un service de données. Il a six ou sept personnes sous sa supervision qui se spécialisent dans l’analyse des données et dans leur conversion en informations digestibles par le biais de visualisations et d’autres outils qui donnent vie à cette masse de données et qui la rendent fonctionnelle. C’est là qu’intervient la réponse de Bergevin quand on lui demandait s’il y avait quelqu’un au sein du personnel qui travaillait dans le domaine de l’analyse. La personne à laquelle il faisait référence était un consultant lorsqu’il terminait ses études, mais il est maintenant diplômé et a été ajouté à temps plein à l’équipe d’Allard.
Au cours de son cheminement vers son poste actuel, Allard s’est procuré plusieurs outils que l’on souhaiterait voir chez quelqu’un qui travaille en analyse statistique : une maîtrise en science du sport à l’Université de Montréal, la capacité de faire de l’encodage, de construire des modèles prédictifs, de travailler avec l’apprentissage automatisé de l’intelligence artificielle (du « machine learning »), ainsi que d’autres atouts qui lui permettent de bien faire son travail. Ce sont toutes des compétences que possèdent aussi les membres de son équipe. Ils manipulent les données.
Allard se prépare également depuis longtemps à la révolution imminente des données qui s’amorce dans la LNH et qui aura un impact sur les deux volets du travail analytique du Canadien.
Le marquage des joueurs par données localisées, qui devrait être implanté dans la LNH à un certain moment durant la saison prochaine, créera de nouvelles façons d’évaluer les conditions optimales de chaque joueur en vue d’une performance optimale. Il créera également de nouvelles façons d’analyser statistiquement le jeu. Les équipes qui s’adapteront le plus rapidement à cette nouvelle réalité en soutireront un avantage concurrentiel. L’extraction traditionnelle des données dans le déroulement d’un match fournit environ 300 lignes de données ; le marquage des joueurs pourrait produire environ 900 000 lignes de données par match. Donner un sens à toutes les nouvelles données et en extraire de l’information utile – une aiguille dans une botte de foin – constituera une course aux armements dans cette nouvelle ère de l’information dans la LNH.
Allard et son équipe seront apparemment sur la ligne de front pour le Tricolore. L’infrastructure servant à traiter ces nouvelles informations semble être en place.
« Ça fait quatre ans qu’il se prépare au marquage des joueurs », a dit une source.
De l’autre côté, il y a l’analyse statistique de hockey, les ajustements tactiques et stratégiques, les joueurs autonomes et les transactions. Ce volet-là, selon une source, est supervisé par John Sedgwick, vice-président des opérations hockey et des affaires juridiques, et par Mario Leblanc, le responsable vidéo. Ils reçoivent du soutien à l’interne d’une partie de l’équipe d’Allard en plus de travailler avec SportLogiq, un fournisseur de données établi à Montréal qui se spécialise dans l’analyse et qui a des clients dans toute la LNH. Un certain nombre d’analyses de données sont faites à l’interne et d’autres sont fournies par SportLogiq.
Cela constitue un changement pour le Tricolore, et il coïncide avec l’arrivée de Claude Julien derrière le banc en février 2017. Julien venait des Bruins de Boston, une organisation qui avait jusqu’à un certain point adopté l’approche analytique, Ryan Nadeau ayant dirigé ses efforts à partir de 2014-2015. Les Bruins ne l’ont peut-être pas adopté autant que d’autres équipes, mais il en faisait clairement plus que le Canadien à l’époque. Selon une source, la volonté de Julien d’utiliser ce type d’information pour prendre des décisions est beaucoup plus grande que celle de son prédécesseur, Michel Therrien.
Une chose est claire à ce point-ci : il y a des gens qui travaillent à l’interne pour le Canadien dans le domaine de l’analyse statistique, qu’elle soit axée sur le rendement ou qu’elle soit de nature plus tactique. Cela dit, l’équipe s’y prend différemment de la plupart des autres organisations qui ont choisi de consacrer des ressources à l’analyse statistique du hockey, en ce sens que le CH n’a pas une personne ou un département spécialisé qui s’occupe uniquement de cet aspect-là de l’analyse des données.
Mais est-ce que le fait qu’il soit minoritaire dans son approche indique qu’il fait nécessairement fausse route ? C’est difficile à dire.
Pour tenter d’obtenir une réponse, nous avons contacté quatre personnes travaillant dans le domaine de l’analyse statistique du hockey pour connaître leur opinion sur les avantages et les inconvénients d’avoir en place une personne qui ne soit pas considérée comme un expert dans le domaine pour traiter les données.
On pourrait plaider que, dans un sens, le fait d’avoir une opinion extérieure permet une plus grande objectivité en offrant sur certains problèmes ou questions qui surviennent au cours d’une saison un regard qui soit purement fondé sur les données.
Nous avons demandé à notre groupe d’experts travaillant dans le domaine de l’analyse statistique du hockey ce qu’ils pensaient d’une personne davantage versée dans l’analyse générale de données qui ferait ce qu’ils font. Le consensus était presque unanime et il n’est pas si surprenant si l’on considère la composition de l’échantillon de gens à qui nous avons parlé – après tout, ce sont tous des experts de l’approche analytique du hockey. Ils ont tous dit que c’était une question intéressante pour laquelle il n’y n’avait peut-être pas de réponse claire mais que, dans un monde idéal, un expert traditionnel en analyse statistique du hockey travaillerait avec une équipe d’analystes de données plus générales sous sa direction et ce, pour plusieurs raisons. Par exemple, le fait d’avoir d’une expérience spécialisée dans le domaine de l’analyse du hockey permettrait à cette personne de guider l’analyse des données et de passer au crible l’information inutile pour trouver sous la surface les plus précieux éléments d’information qui feront une différence.
« Je voudrais à la tête de mon service d’analyse quelqu’un qui possède des compétences techniques, mais qui est à la fois un accro du hockey et un accro de l’analyse statistique du hockey, car ces gens-là peuvent repérer les erreurs et effectuer un contrôle de la qualité tout en communiquant correctement le message aux gens du hockey », a répondu l’un de nos panélistes.
Un autre analyste a soulevé un point important, à savoir la question de la confiance. Lorsque les entraîneurs et la direction de l’équipe reçoivent de l’information analytique, il faut une démontrer de la confiance à la fois dans les données et dans la personne qui les présente. Si cette confiance n’existe pas, l’information fournie pourrait tomber dans l’oreille d’un sourd. En ce sens, le fait d’avoir quelqu’un qui fait partie du personnel d’entraîneurs comme Leblanc ou de l’équipe de direction comme Sedgwick pourrait aider à bien faire valoir cette information. Le fait d’avoir un entraîneur et un directeur général qui est ouvert à recevoir cette information aide évidemment aussi.
Tout cela nous amène à nous demander pourquoi Bergevin n’a pas simplement répondu à la question en avril dernier en disant qu’il y avait un certain nombre de personnes à l’interne qui, à divers degrés, travaillaient sur l’analyse statistique. Quel est l’inconvénient d’expliquer que le Canadien fait un effort dans ce domaine ?
C’est un sujet que le CH n’a jamais voulu aborder publiquement et, par conséquent, il est souvent perçu comme une équipe en retard à ce niveau. L’organisation est secrète de nature – quand vous voyez circuler une rumeur portant sur le Canadien, vous pouvez être relativement assuré qu’elle ne vient pas directement de ses bureaux – mais elle l’est tout particulièrement quand il s’agit d’analyse statistique. Peut-être est-ce à cause d’une mauvaise experience passée.
Lorsque l’équipe a embauché Matt Pfeffer à titre de consultant en analyse statistique, avant la saison 2015-2016, il n’en a pas fait l’annonce. Lorsque son contrat n’a pas été renouvelé, il n’y a eu aucune annonce non plus. Ça leur a sauté en pleine face lorsque Sportsnet a dévoilé la nouvelle, précisant que Pfeffer avait recommandé à la direction de ne pas échanger P.K. Subban contre Shea Weber, un échange qui s’est conclu le 29 juin 2016, quelques jours avant que le contrat de Pfeffer avec le Canadien ne prenne fin. De l’extérieur, plusieurs ont eu l’impression que le Tricolore avait laissé tomber Pfeffer à cause de son évaluation de la transaction, bien que de multiples sources chez le Canadien aient insisté à l’époque sur le fait que cela n’avait rien à voir avec l’échange. Le fait que Pfeffer ait accepté un poste chez les Predators de Nashville peu de temps après avoir été largué par le Canadien n’a fait qu’empirer la perception du public.
Compte tenu de la façon dont cet épisode s’est déroulé, il est peut-être compréhensible qu’amener le Canadien à parler de ses efforts en matière d’analyse statistique soit l’équivalent de lui arracher des dents. Mais la perception du public que l’équipe ne se soucie pas de l’approche analytique et qu’elle joue un rôle minimal au sein de l’organisation est clairement fausse. Il y a évidemment des équipes qui en font beaucoup plus que le Canadien, et ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de repenser son approche avant le début de la révolution des données de la LNH, mais il fait un effort, un effort considérablement plus élevé que la plupart des gens ne doivent le penser.
C’est juste qu’il s’y prend à sa façon.
C’était une question simple et directe.
Pas besoin de tourner autour du pot. Pas besoin d’utiliser le double langage pour l’éviter. Mais comme nous le verrons, la réponse n’est pas ni simple ni directe.
Le Canadien aime partager de l’information sur les rouages internes de sa gestion ou de son groupe d’entraîneurs autant qu’il aime se faire arracher une dent, et c’est ce qu’on a l’impression de faire lorsqu’on essaie de récolter un peu de cette information.
Mais interroger le Canadien sur l’analyse statistique, c’est comme lui enlever les quatre dents de sagesse en même temps.
C’est ce que j’ai tenté de faire lors de la conférence de presse de fin de saison de Marc Bergevin car l’utilisation que fait le Canadien de cet outil ouvertement employé par la grande majorité des équipes de la LNH n’est, disons, pas des plus claires.
Si vous regardez le répertoire public des employés de l’état-major du Tricolore, les mots ‘analyse’ ou ‘données’ ou ‘analyste’ ou ‘recherche’ ou encore ‘statistiques’ ne sont pas mentionnés une seule fois. L’organisation fait partie d’une liste de huit équipes de la LNH dont on puisse dire la même chose, les autres étant les Blue Jackets de Columbus, les Stars de Dallas, les Blues de St-Louis, les Islanders de New York, les Ducks d’Anaheim, les Oilers d’Edmonton et les Jets de Winnipeg. Aucune mention de ces mots dans leur répertoire du personnel; ce sont les huit seules équipes qui n’affichent rien à ce sujet.
Alors, Marc Bergevin, comment est-ce que le Canadien utilise l’analyse statistique? Encore une fois, c’est une question assez simple.
« C’est un outil que nous utilisons, a-t-il répondu en avril dernier. Nous l’utilisons lorsque nous parlons d’une acquisition, que ce soit par le biais d’une transaction ou des joueurs autonomes, donc nous utilisons des données analytiques à ce moment-là. En ce qui concerne le coaching, c’est la même chose; en fait le type de données est différent, mais ce sont des outils qu’ils peuvent utiliser pour les confrontations, des choses comme ça. »
Ok, mais est-ce que quelqu’un de l’équipe fait ce travail pour vous ?
« À l’interne ? a-t-il demandé. Nous avons quelqu’un que nous payons qui n’est pas ici en ce moment. »
Et c’était la fin de la partie simple de l’échange. Est-ce « à l’interne » si la personne que le Canadien paie « n’est pas ici en ce moment » ? Et puis d’abord, qu’est-ce que ça veut dire ?
Pour obtenir une réponse, nous avons dû creuser un peu.
Tout d’abord, un peu de contexte.
Si le Tricolore est l’une des huit équipes qui n’a personne dans son groupe qui travaille officiellement dans le domaine de l’analyse ou l’un de ses dérivés, cela signifie que 23 équipes en ont. Les Maple Leafs de Toronto ont un service de recherche et développement complet contenant au moins cinq personnes. La plupart des équipes ont une ou deux personnes listées, mais celles qui n’ont personne font partie de la minorité.
Cela ne veut pas dire que ces huit équipes boudent l’analyse statistique; il est en fait très peu probable qu’elles le fassent. Elles n’ont tout simplement pas d’employé à temps plein, ni même de consultant publiquement désigné comme responsable de ce projet. Par exemple, dans le cas de deux d’entre elles – les Blue Jackets et les Stars – c’est assez connu qu’il y a quelqu’un au sein du personnel qui gère ces responsabilités sans que cela soit spécifiquement mentionné sur le site web. Chez les Stars, c’est le directeur général adjoint Mark Janko qui s’en occupe alors que chez les Blue Jackets, il s’agit du directeur des opérations hockey Josh Flynn.
Par conséquent, il est très possible qu’il y ait plus à en dire au sujet de cette liste de huit équipes qui n’annoncent aucun expert en analyse. En tout cas, c’est certainement le cas en ce qui a trait au Canadien.
De multiples sources au sein de l’organisation ont fourni des détails sur la façon dont l’analyse statistique est traitée et l’importance qui lui est accordée. On pourrait probablement décrire cela comme une approche prudente, mais qui n’est pas non plus inexistante. C’est là, l’état-major s’en sert, et cela joue un rôle dans un certain nombre de domaines, y compris la science du sport, l’acquisition de joueurs par l’entremise des échanges ou du marché des joueurs autonomes, la négociation de contrats, le recrutement professionnel et amateur ainsi que les rapports de dépistage des équipes adverses, comme l’a décrit Bergevin dans sa réponse initiale. Donc, il a donné une réponse assez simple, aussi simple que ce qu’il allait se permettre.
Mais de dire qu’il n’y a qu’une seule personne à l’interne qui travaille là-dessus n’est pas tout à fait exact, bien que cela dépende probablement de votre point de vue. Il y a beaucoup de gens qui travaillent là-dessus, mais ces gens ne travaillent pas exclusivement sur l’analyse du hockey.
Le travail analytique du Canadien s’articule autour de deux axes : la performance et la tactique/stratégie. Ou, plus simplement, elle peut être divisée en deux catégories : la science du sport et l’analyse statistique du hockey.
L’aspect performance est dirigé par Pierre Allard, l’ancien entraîneur de conditionnement physique qui a été promu au poste de directeur de la science du sport et de la performance juste avant la saison 2017-18.
Lorsqu’il a été promu, Allard a parlé à maintes reprises de la quantité de points de données avec lesquels son équipe et lui travaillent relativement à la performance des joueurs et de ce qu’il appelait à l’époque la « charge d’entraînement », un terme précurseur à la « gestion de la charge » que les Raptors de Toronto ont ensuite popularisé en décrivant la gestion du repos de Kawhi Leonard en saison régulière afin de le préparer pour les séries de la NBA. (Ça a clairement fonctionné.)
Allard, dans le contexte de la science sportive et de la performance, dirige ce qu’on devrait probablement appeler un service de données. Il a six ou sept personnes sous sa supervision qui se spécialisent dans l’analyse des données et dans leur conversion en informations digestibles par le biais de visualisations et d’autres outils qui donnent vie à cette masse de données et qui la rendent fonctionnelle. C’est là qu’intervient la réponse de Bergevin quand on lui demandait s’il y avait quelqu’un au sein du personnel qui travaillait dans le domaine de l’analyse. La personne à laquelle il faisait référence était un consultant lorsqu’il terminait ses études, mais il est maintenant diplômé et a été ajouté à temps plein à l’équipe d’Allard.
Au cours de son cheminement vers son poste actuel, Allard s’est procuré plusieurs outils que l’on souhaiterait voir chez quelqu’un qui travaille en analyse statistique : une maîtrise en science du sport à l’Université de Montréal, la capacité de faire de l’encodage, de construire des modèles prédictifs, de travailler avec l’apprentissage automatisé de l’intelligence artificielle (du « machine learning »), ainsi que d’autres atouts qui lui permettent de bien faire son travail. Ce sont toutes des compétences que possèdent aussi les membres de son équipe. Ils manipulent les données.
Allard se prépare également depuis longtemps à la révolution imminente des données qui s’amorce dans la LNH et qui aura un impact sur les deux volets du travail analytique du Canadien.
Le marquage des joueurs par données localisées, qui devrait être implanté dans la LNH à un certain moment durant la saison prochaine, créera de nouvelles façons d’évaluer les conditions optimales de chaque joueur en vue d’une performance optimale. Il créera également de nouvelles façons d’analyser statistiquement le jeu. Les équipes qui s’adapteront le plus rapidement à cette nouvelle réalité en soutireront un avantage concurrentiel. L’extraction traditionnelle des données dans le déroulement d’un match fournit environ 300 lignes de données ; le marquage des joueurs pourrait produire environ 900 000 lignes de données par match. Donner un sens à toutes les nouvelles données et en extraire de l’information utile – une aiguille dans une botte de foin – constituera une course aux armements dans cette nouvelle ère de l’information dans la LNH.
Allard et son équipe seront apparemment sur la ligne de front pour le Tricolore. L’infrastructure servant à traiter ces nouvelles informations semble être en place.
« Ça fait quatre ans qu’il se prépare au marquage des joueurs », a dit une source.
De l’autre côté, il y a l’analyse statistique de hockey, les ajustements tactiques et stratégiques, les joueurs autonomes et les transactions. Ce volet-là, selon une source, est supervisé par John Sedgwick, vice-président des opérations hockey et des affaires juridiques, et par Mario Leblanc, le responsable vidéo. Ils reçoivent du soutien à l’interne d’une partie de l’équipe d’Allard en plus de travailler avec SportLogiq, un fournisseur de données établi à Montréal qui se spécialise dans l’analyse et qui a des clients dans toute la LNH. Un certain nombre d’analyses de données sont faites à l’interne et d’autres sont fournies par SportLogiq.
Cela constitue un changement pour le Tricolore, et il coïncide avec l’arrivée de Claude Julien derrière le banc en février 2017. Julien venait des Bruins de Boston, une organisation qui avait jusqu’à un certain point adopté l’approche analytique, Ryan Nadeau ayant dirigé ses efforts à partir de 2014-2015. Les Bruins ne l’ont peut-être pas adopté autant que d’autres équipes, mais il en faisait clairement plus que le Canadien à l’époque. Selon une source, la volonté de Julien d’utiliser ce type d’information pour prendre des décisions est beaucoup plus grande que celle de son prédécesseur, Michel Therrien.
Une chose est claire à ce point-ci : il y a des gens qui travaillent à l’interne pour le Canadien dans le domaine de l’analyse statistique, qu’elle soit axée sur le rendement ou qu’elle soit de nature plus tactique. Cela dit, l’équipe s’y prend différemment de la plupart des autres organisations qui ont choisi de consacrer des ressources à l’analyse statistique du hockey, en ce sens que le CH n’a pas une personne ou un département spécialisé qui s’occupe uniquement de cet aspect-là de l’analyse des données.
Mais est-ce que le fait qu’il soit minoritaire dans son approche indique qu’il fait nécessairement fausse route ? C’est difficile à dire.
Pour tenter d’obtenir une réponse, nous avons contacté quatre personnes travaillant dans le domaine de l’analyse statistique du hockey pour connaître leur opinion sur les avantages et les inconvénients d’avoir en place une personne qui ne soit pas considérée comme un expert dans le domaine pour traiter les données.
On pourrait plaider que, dans un sens, le fait d’avoir une opinion extérieure permet une plus grande objectivité en offrant sur certains problèmes ou questions qui surviennent au cours d’une saison un regard qui soit purement fondé sur les données.
Nous avons demandé à notre groupe d’experts travaillant dans le domaine de l’analyse statistique du hockey ce qu’ils pensaient d’une personne davantage versée dans l’analyse générale de données qui ferait ce qu’ils font. Le consensus était presque unanime et il n’est pas si surprenant si l’on considère la composition de l’échantillon de gens à qui nous avons parlé – après tout, ce sont tous des experts de l’approche analytique du hockey. Ils ont tous dit que c’était une question intéressante pour laquelle il n’y n’avait peut-être pas de réponse claire mais que, dans un monde idéal, un expert traditionnel en analyse statistique du hockey travaillerait avec une équipe d’analystes de données plus générales sous sa direction et ce, pour plusieurs raisons. Par exemple, le fait d’avoir d’une expérience spécialisée dans le domaine de l’analyse du hockey permettrait à cette personne de guider l’analyse des données et de passer au crible l’information inutile pour trouver sous la surface les plus précieux éléments d’information qui feront une différence.
« Je voudrais à la tête de mon service d’analyse quelqu’un qui possède des compétences techniques, mais qui est à la fois un accro du hockey et un accro de l’analyse statistique du hockey, car ces gens-là peuvent repérer les erreurs et effectuer un contrôle de la qualité tout en communiquant correctement le message aux gens du hockey », a répondu l’un de nos panélistes.
Un autre analyste a soulevé un point important, à savoir la question de la confiance. Lorsque les entraîneurs et la direction de l’équipe reçoivent de l’information analytique, il faut une démontrer de la confiance à la fois dans les données et dans la personne qui les présente. Si cette confiance n’existe pas, l’information fournie pourrait tomber dans l’oreille d’un sourd. En ce sens, le fait d’avoir quelqu’un qui fait partie du personnel d’entraîneurs comme Leblanc ou de l’équipe de direction comme Sedgwick pourrait aider à bien faire valoir cette information. Le fait d’avoir un entraîneur et un directeur général qui est ouvert à recevoir cette information aide évidemment aussi.
Tout cela nous amène à nous demander pourquoi Bergevin n’a pas simplement répondu à la question en avril dernier en disant qu’il y avait un certain nombre de personnes à l’interne qui, à divers degrés, travaillaient sur l’analyse statistique. Quel est l’inconvénient d’expliquer que le Canadien fait un effort dans ce domaine ?
C’est un sujet que le CH n’a jamais voulu aborder publiquement et, par conséquent, il est souvent perçu comme une équipe en retard à ce niveau. L’organisation est secrète de nature – quand vous voyez circuler une rumeur portant sur le Canadien, vous pouvez être relativement assuré qu’elle ne vient pas directement de ses bureaux – mais elle l’est tout particulièrement quand il s’agit d’analyse statistique. Peut-être est-ce à cause d’une mauvaise experience passée.
Lorsque l’équipe a embauché Matt Pfeffer à titre de consultant en analyse statistique, avant la saison 2015-2016, il n’en a pas fait l’annonce. Lorsque son contrat n’a pas été renouvelé, il n’y a eu aucune annonce non plus. Ça leur a sauté en pleine face lorsque Sportsnet a dévoilé la nouvelle, précisant que Pfeffer avait recommandé à la direction de ne pas échanger P.K. Subban contre Shea Weber, un échange qui s’est conclu le 29 juin 2016, quelques jours avant que le contrat de Pfeffer avec le Canadien ne prenne fin. De l’extérieur, plusieurs ont eu l’impression que le Tricolore avait laissé tomber Pfeffer à cause de son évaluation de la transaction, bien que de multiples sources chez le Canadien aient insisté à l’époque sur le fait que cela n’avait rien à voir avec l’échange. Le fait que Pfeffer ait accepté un poste chez les Predators de Nashville peu de temps après avoir été largué par le Canadien n’a fait qu’empirer la perception du public.
Compte tenu de la façon dont cet épisode s’est déroulé, il est peut-être compréhensible qu’amener le Canadien à parler de ses efforts en matière d’analyse statistique soit l’équivalent de lui arracher des dents. Mais la perception du public que l’équipe ne se soucie pas de l’approche analytique et qu’elle joue un rôle minimal au sein de l’organisation est clairement fausse. Il y a évidemment des équipes qui en font beaucoup plus que le Canadien, et ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de repenser son approche avant le début de la révolution des données de la LNH, mais il fait un effort, un effort considérablement plus élevé que la plupart des gens ne doivent le penser.
C’est juste qu’il s’y prend à sa façon.